La présente rubrique n'a pour autre ambition que de  partager avec vous quelques coups de coeur pour des ouvrages de travaux de photographes talentueux, en  vous invitant notamment à découvrir quelques unes des images qu'ils recèlent.  


GRAFTERS
Photographe Colin Jones
Editions Phaïdon
Danseur au « Royal Ballet » jusqu'à 20 ans, c'est lors d'une tournée dans le nord de l'Angleterre que Colin Jones commence à prendre des photographies des communautés minières. Il abandonne dès lors rapidement la danse pour se consacrer exclusivement à la photographie en travaillant notamment pour l'hebdomadaire « The observer »  aux côtés de photographes tels que Philip Jones Griffiths et Don McCullin.
Les sujets de prédilection de Jones sont les travailleurs qu'ils soient mineurs, constructeurs navals, dockers .... 
Graphers est une monographie rigoureuse qui assimile le meilleur des différents travaux de Jones. Les images ici réunies forment un témoignage captivant de ce que fut la Grande-Bretagne industrielle de l'après seconde guerre mondiale, la pauvreté et l'âpreté des conditions d'existence de tout un monde ouvrier.
Le livre s'articule autour de 5 parties : Life, Coal, Ships, Time Off, Dance. Les 3 premières formant le cœur du travail de Jones.
Un formidable ouvrage d'hommages rendus à la dignité d'une classe ouvrière britannique qui s'est peu à peu diluée dans le tourbillon de l'économie contemporaine.

WORK
Photographe Chris Killip
Edition Folkwang / Steidl​​​​​​​
« Work » présente plusieurs projets à long terme de Chris Killip menés dans le nord de l'Angleterre. Le photographe y  explore les conditions de travail et de vie des hommes et des femmes à travers des portraits, des images de paysages et d'architecture. Cette publication comprend pour la première fois les premiers portraits de Killip sous forme de livre, ainsi que des images réalisées en Irlande et sur l'île de Man. Une sélection de très belles photographies en noir et blanc à l'extraordinaire force documentaire et narrative qui s'inscrit dans la lignée des travaux de photographes documentaristes anglais tels que Ken Grant et Daniel Meadows. Un beau livre qu'il devient difficile de se procurer. 
DESMEMORIA
Photographie Pierre-Elie de Pibrac
Edition Barral
Desmemoria constitue un témoignage à la fois photographique, anthropologique et social sur la communauté des azucareros de Cuba – les travailleurs de l'industrie du sucre et révolutionnaires de la première heure.
Entre 2016 et 2017, Pierre-Élie de Pibrac a sillonné l'île et a vécu chez diverses familles de cette communauté. À travers cette expérience, le photographe interroge la fin des utopies chez un peuple qui a cru et oeuvré pour que s'incarne le rêve castriste. Durant des décennies, l'industrie du sucre devait être le faire-valoir de l'économie cubaine et était à cette fin célébrée par Castro et ses troupes : " Le sucre est notre histoire, sans lui, il est impossible de comprendre l'essence et l'âme de Cuba ", souligne l'historien cubain Eusebio Leal Spengler. Plus d'un demi-siècle plus tard, cette économie sucrière n'a pas tenu ses promesses d'émancipation, à l'image de l'idéologie castriste. En immersion dans les zones rurales, Pierre-Élie de Pibrac est parti à la rencontre des habitants des bateyes (villages) des centrales sucrières. Toujours en activité ou désaffectées ces cités du sucre et ses travailleurs témoignent de vies sacrifiées à l'aune d'une doxa utopiste. Les bateyes sont les théâtres du désenchantement de la société cubaine. Il y règne une ambiance pesante qui souligne la solitude, la pauvreté, l'isolement et la précarité. Si la canne à sucre a construit Cuba et a représenté la fierté nationale, aujourd'hui, elle est le symbole de son naufrage entraînant avec elle une nouvelle génération sans repère. Dans cette période de transition de l'histoire cubaine, les images de Pierre-Élie de Pibrac donnent à voir un monde qui se délite. Elles racontent comment le peuple cubain appréhende désormais son quotidien, quel regard il porte sur son histoire récente. La démarche à la fois documentaire et artistique du photographe permet une lecture autre de l'après-castrisme qui se met aujourd'hui en place. À travers le prisme de divers registres d'images – photographies réalisées lors de ce long séjour et images extraites de l'iconographie vernaculaire, Pierre-Élie de Pibrac donne à voir une société désenchantée mais aussi profondément attachée à la singularité de son histoire.
Ce travail photographique a été récompensé par le prix Levallois en 2018.

Texte de Zoé Valdès 






SOUVERAINES
Ces peuples où les femmes sont libres
Photographie Pierre de Vallombreuse
Edition Arthaud
Dans certaines sociétés traditionnelles, les femmes assument depuis toujours des rôles sociaux et spirituels prépondérants. Égalité, respect mutuel entre les sexes, liberté accordée à tous et à toutes. Chez ces peuples, les femmes sont reconnues dans leurs singularités et leurs compétences. Pierre de Vallombreuse a ici capté des instants de quatre peuples d’Asie du Sud-Est où les lignées féminines occupent une place décisive dans l’organisation familiale et sociale: 
-les Khasis, société matrilinéaire et matrilocale du Nord-Est de l’Inde, chez qui les enfants reçoivent à la naissance le nom de leur mère et la plus jeune des filles de la fratrie hérite de l’ensemble des terres et biens familiaux,
-les Palawans des Philippines très peu hiérarchisés, où hommes et femmes vivent en parfaite égalité, accordant une importance toute particulière aux valeurs de bonne volonté, de générosité et d’entraide,
-les Mosos au Sud-Ouest de la Chine,  qui pratiquent toutes les formes du matriarcat dans la mesure où l’éducation des enfants est ici confiée aux oncles maternels,
-pour finir,  les Badjaos, en Malaisie, chez qui  toute forme de hiérarchie est abolie. 
Ce livre, en quelques 130 photographies en noir et blanc, nous donne à découvrir des instants de la vie des femmes et hommes de ces ethnies dont le modèle civilisationnel est menacé.  Chaque partie de l'ouvrage est introduite par un texte à visée ethnographique du journaliste Tristan Savin. 
Une vision sublimée par le regard  de Pierre de Vallombreuse sur des peuples et des modes de vie menacés par la globalisation.


TWO AMERICAN PHOTOGRAPHERS 
IN BRITAIN AND IRELAND
Photographies de Bruce Davidson et de Paul Caponigro
Bruce Davidson (né en 1933) et Paul Caponigro (né en 1932) sont deux des plus grands photographes américains de leur génération. Travaillant dans des traditions différentes et présentant des approches fondamentalement distinctes, ils sont tous deux à  leur manière de brillants observateurs des territoires qu'ils explorent.
Ce livre est le premier à confronter ces deux regards portés sur la  Grande-Bretagne et l' Irlande des années 1960 aux années 1990. Bien que possédant une approche et un style résolument distincts, les deux photographes, ici réunis, proposent un dialogue visuel  original entre les portraits impressionnistes de Davidson pris dans les rues de Londres  (inspirés de Cartier Besson et Robert Franck) et la beauté des paysages irlandais captés par Caponigro .
L'ouvrage est édité par Yale Center for British Art 



ETERNAL LIGHT
Photographies de Kenzo Izu 

Photographe Kenro Izu
"De lumière éternelle" rayonne de spiritualité. À Varanasi,  Izu a photographié des festivals, des rituels de crémations ainsi que des expériences individuelles de joie et de souffrance liées à la mort et à l'au-delà. A Allahabad, là où se rencontrent les fleuves Gange et Yamuna, Izu a assisté au festival de Kumbh un pèlerinage hindou organisé quatre fois tous les douze ans, et dans la ville de Vrindavan, il a photographié des temples dédiés à Krishna.
 Ses photographies sont superbement rendues grâce à un travail d'impression des plus soigné. 



STRANGELY FAMILIAR
Acrobats, Athletes, and Other Traveling Troupes

Photographe MICHAL CHEBLIN
Dans ses images de contorsionnistes, de nains, de danseurs de salon et de lutteurs de petites villes d'Israël, d'Ukraine, d'Europe de l'Est et d'Angleterre, Michal Chelbin offre un aperçu de mondes à la fois étranges et familiers. Ses sujets - généralement des individus en marge de la société - ont tendance à être représentés en dehors de la scène, à la maison, dans la rue ou dans un parc, et dans un engagement direct désarmant avec le spectateur.
Ce livre offre un ensemble de belles photographies  qui rappelle par quelques aspects les travaux de Dianes Arbus et d'Auguste Sander, mais Michal Cheblin apporte de par sa démarche une facture toute personnelle à ses portraits posés.
Un bel ouvrage des éditions Aperture à l'impression soigné.

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